Pour réduire son empreinte environnementale, la solution se trouve parfois dans notre assiette. Avec 22% de l’empreinte carbone des Français, l’alimentation est le deuxième secteur qui pèse le plus sur nos émissions de gaz à effet de serre, et spoiler alert, la viande et les produits laitiers y sont pour beaucoup ! Pas étonnant quand on sait qu’en France nous consommons deux fois plus de viande que le reste du monde, une consommation qui a explosé à partir des années 1960. Pour décarboner notre alimentation, une solution apparaît donc comme évidente : réduire notre consommation de viande et végétaliser notre alimentation (tout en gardant la gourmandise, promis, on t’en dit plus à la fin de cet article !).
Une étude parue dans la revue scientifique Nature Climate Change révèle que nos habitudes alimentaires et nos pratiques agricoles pourraient, à elles seules, réchauffer la température du globe de près de 1 °C d’ici à 2100. Aujourd’hui, l’agriculture représente 18% des gaz à effet de serre émis en France (et 18.4% au niveau mondial), ce qui en fait l’un des secteurs agricoles les plus émetteurs de l’Union européenne : la France représente à elle seule 17% des émissions agricoles de l’Union européenne.
L’élevage est l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre
Une étude publiée en 2021 a révélé que 20 entreprises d’élevage émettent autant de gaz à effet de serre que des pays comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la France. Rien que ça !
Si les émissions de gaz à effet de serre liées à l’élevage ont baissé ces dernières années en France (-15% entre 1990 et 2021), en raison de la diminution du cheptel bovin liée aux difficultés socio-économiques du secteur, ce dernier est encore responsable de 59% des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole français. La viande et les produits laitiers représentent ainsi respectivement 39% et 17% de l’empreinte carbone des Français liée à l'alimentation. Au total, la viande pèse pour près de 10% de l’empreinte carbone des Français, et représente le troisième poste d’émission derrière la voiture et la combustion de gaz et de fioul pour chauffer son logement. Un impact non-négligeable sur notre empreinte carbone donc.
La principale cause de ces émissions : les rots des ruminants. Oui oui, vous avez bien lu. En digérant, les ruminants (vaches, chèvres, moutons) émettent du méthane (CH4), un gaz à effet de serre avec un pouvoir réchauffant 28 fois plus élevé que le dioxyde de carbone (CO2). Le méthane est ainsi responsable de 30% du réchauffement climatique depuis l’ère préindustrielle, un chiffre qui devrait augmenter dans les prochaines années. Aujourd’hui, 40% du méthane d’origine anthropique émis dans le monde provient de l’agriculture (dont 32% rien que pour l’élevage). En France, l’élevage est responsable de 68% des émissions nationales de méthane.
Les gaz à effet serre, l’arbre qui cache la forêt
Mais les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas les seules conséquences de l’élevage sur l’environnement : acidification des sols, épuisement de la ressource en eau, érosion de la biodiversité, … L’agriculture, et l’élevage en particulier, a également un impact sur d’autres limites planétaires. En cause : le changement d’usage des sols (qui sont de véritables puits de carbone), la déforestation et l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (pesticides et engrais de synthèse) pour la production de nourriture à destination du bétail.
Pour nourrir le bétail, les hommes ont besoin de plus en plus de terres pour cultiver le soja et créer de nouvelles zones de pâturages. L’agriculture est ainsi responsable de 90% de la déforestation à l’échelle mondiale selon la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. En plus de libérer dans l’atmosphère le CO2 stocké naturellement par les arbres et les sols, et de menacer les populations autochtones, la déforestation entraîne une perte d’habitat pour de nombreux êtres vivants, accélérant ainsi l’érosion de la biodiversité et la 6ème extinction de masse actuellement en cours. C’est comme si un jour, quelqu’un débarquait et rasait votre maison pour en faire son garde-manger, pas cool.
La déforestation fait particulièrement rage au Brésil, premier exportateur mondial de soja, notamment dans la région du Cerrado, riche en biodiversité et véritable puit de carbone, où les populations autochtones se retrouvent dépouillées de leurs terres par les producteurs de soja, et en Amazonie, au bord d’un point de bascule climatique, qui pourrait se transformer en savane dans les prochaines années, en raison de l’action combinée de la déforestation et du changement climatique.
L’agriculture, et plus particulièrement l’élevage, nécessite également de fortes quantités d’eau, ce qui vient accroître la raréfaction de la ressource en eau en cours dans certaines régions du monde, à l’instar des Pyrénées-Orientales dans le Sud de la France, et de l’Amazonie, qui connaissent une sécheresse sans précédent.
La culture de la nourriture pour le bétail est souvent associée à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques (pesticides et engrais de synthèses), un cocktail toxique qui menace directement la biodiversité, et notamment les pollinisateurs. Le taux d’extinction des abeilles est ainsi de 100 à 1000 fois supérieur à la normale, alors que 84% des récoltes mondiales destinées à la consommation humaine dépendent de ces dernières. En cause : les pratiques agricoles intensives, la monoculture, le recours aux pesticides et le changement d’usage des sols. Les pesticides sont également soupçonnés d’avoir un impact sur la santé humaine, que ce soit pour les agriculteurs en contact direct avec ces produits, ou bien pour les riverains qui consomment de l’eau du robinet contaminée aux pesticides.
Autre catastrophe environnementale en France liée à l’élevage : les algues vertes. La Bretagne, qui ne couvre que 7% de la surface agricole française, mais qui concentre 58 % des élevages porcins, 35 % des élevages de volailles et 32 % des élevages bovins, fait face à une multiplication des algues vertes sur ses côtes depuis plusieurs années. En cause : les énormes quantités d’azote et de phosphore issues du nitrate présent dans les déjections animales et les engrais utilisés pour fertiliser les cultures, rejetées dans les sols et dans les cours d’eau, et qui favorisent la prolifération des algues vertes le long du littoral breton. Le problème ? Lorsque les algues vertes se décomposent, elles libèrent de l’hydrogène sulfuré, un gaz qui, à concentration élevée, peut s’avérer mortel en seulement quelques minutes, et qui serait déjà responsable de la mort de 4 personnes, d’un cheval, de chiens, et de 36 sangliers. De quoi réfléchir à deux fois avant d’aller à la pêche aux moules cet été.
L’élevage est également responsable de l’émission de polluants atmosphériques, à l’instar de l’ammoniac. Issu à 95% de l’activité agricole (et plus particulièrement de l’élevage), l’ammoniac participe à la pollution de l’air aux particules fines et serait responsable, en Bretagne, première région émettrice d’ammoniac en France, de cancers et de maladies cardio-vasculaires. Entre ça et les algues vertes, la côte armoricaine perd un peu de son charme, vous ne trouvez pas ?
L’élevage intensif, le bien-être animal et le risque de zoonoses
En plus de son impact écologique, l’élevage représente une menace pour le bien-être animal, en raison, notamment, de la concentration toujours plus importante des animaux au sein des élevages intensifs.
En France, 60% des animaux sont concentrés dans 3% des fermes d’élevages selon Greenpeace. Des fermes-usines qui favorisent le risque de zoonoses, des maladies qui se transmettent de l’animal à l’être humain, à l’instar de la grippe aviaire. Apparu pour la première fois en 1997 à Hong Kong, le virus de la grippe aviaire H5N1 s’est depuis propagé sur la surface du globe et menace aujourd’hui la faune sauvage jusqu’en Arctique et en Antarctique, déjà fragilisée par le changement climatique et la perte d’habitats. Le risque de zoonoses est également aggravé par la destruction des écosystèmes. Des chercheurs estiment ainsi que la prochaine pandémie émergente pourrait provenir de l’Amazonie, en raison de la déforestation.
Outre le risque de zoonoses, l’élevage intensif menace également le bien-être animal, en entassant les animaux sur des petits espaces et en les exportant un peu partout dans le monde. En décembre 2023, une dizaine de vaches s’étaient ainsi échouées sur le littoral breton, victimes des conditions de transports en mer des animaux d’élevage. Sur terre, la situation n’est pas plus enviable, en témoigne le renversement d’un poids lourd le 6 mars dernier sur l’A13, ayant entraîné la libération de 4500 poulets élevés en batterie sur l’autoroute.
L’élevage intensif opère également une sélection génétique des animaux, ce qui peut entraîner des risques sanitaires majeurs pour ces derniers. En février 2024, l’association L-214 avait ainsi épinglé la marque Le Gaulois qui, dans une logique de rentabilité, a mis en place une sélection génétique poussée dans l’objectif de les faire atteindre plus vite leur poids d’abattage. Malformations cardiaques ou respiratoires, hypertrophie musculaire, … Cette sélection génétique a entraîné la mort prématurée de nombreux poulets, dont certains ont été exposés sur l’esplanade du Trocadéro par l’association, aux côtés de personnalités comme Nagui et Hugo Clément.
La solution ? Végétaliser son alimentation !
Face aux nombreuses conséquences écologiques liées à l’élevage, une solution apparaît comme étant la plus efficace : végétaliser son alimentation. En France, réduire de 50% notre consommation de viande permettrait ainsi de réduire de 20 à 50% l’impact carbone de notre alimentation, selon une étude publiée en février 2024 par le Réseau Action Climat et la Société française de nutrition. Dans les pays développés, la végétalisation de notre alimentation permettrait également de capter jusqu’à 100 milliards de tonnes de CO2 dans les sols. Enfin, si l’ensemble de la population adoptait une alimentation 100% végétale, cela permettrait de réduire de 76% nos surfaces agricoles (soit environ l’équivalent de la surface de l’Afrique).
En plus d’avoir un impact bénéfique sur l’environnement, végétaliser son alimentation est également bon pour la santé : manger plus sainement et moins de viande permettrait ainsi de gagner plus de 10 ans d’espérance de vie ! Réduire son empreinte carbone ET allonger sa durée de vie, que demande le peuple?
C’est bien beau tout ça, mais concrètement, comment on fait pour végétaliser son alimentation ? Déjà en réduisant sa consommation de viande, soit totalement, ou bien partiellement. Il vaut mieux d’ailleurs commencer progressivement plutôt que de vouloir tout arrêter du jour au lendemain, craquer au bout de quelques jours/semaines, et recommencer de plus belle à se viander !
Il existe ainsi plusieurs régimes alimentaires, allant du régime omnivore au régime végétalien :
- Omnivore : régime alimentaire comprenant des aliments d’origine végétale et animale.
- Flexitarien : régime alimentaire visant à consommer moins de viande et de poisson, sans pour autant y renoncer totalement.
- Pescétarien / pesco-végétarien : régime alimentaire sans viande, qui inclut les poissons et les fruits de mer.
- Végétarien : régime alimentaire qui exclut la consommation de chair animale (viande, poisson, fruits de mer)
- Climatarien : régime alimentaire qui implique de manger des ingrédients qui ont été produits localement, avec le moins d’emballage possible et qui possèdent une empreinte carbone faible.
- Végétalien : régime alimentaire consistant à éliminer tous les aliments d’origine animale (viande, poisson, fruits de mer, œufs, miel, produits laitiers, …)
Il faut également se faire plaisir : adopter une alimentation plus végétale ne signifie pas que l’on doit faire une croix sur la gourmandise ! Pour ça, il est important de (ré)apprendre à cuisiner les légumes, les légumineuses (source de protéines végétales) et les céréales, et de s’informer, pour pouvoir diversifier au mieux son régime alimentaire et ne pas développer de carences. De nombreux comptes existent sur le sujet, voici notre sélection des trois comptes instagram à suivre absolument pour mettre plus de vert dans son assiette, tout en se régalant :
Mélanie en Véganie, auteure du livre “3,2,1… Climatarien.ne” et formée en nutrition végétale, te donne toutes les bonnes pratiques pour réussir au mieux ta transition végétale.
Amour végétal te partage des bons plans et astuces pour adopter une alimentation vegan sans se prendre le chou.
Fit green mind, aka Maya, te partage quasiment tous les jours des recettes végétales, gourmandes, et faciles à réaliser.
Chez Regen School aussi on adopte une alimentation végétale ! Retour, en cuisine, pendant notre voyage d'études à la ferme Gonne Girls :
Épinards et feta façon Saag'Paneer (Indian-Ish: Recipes and Antics from a Modern American Family) :
Pour 4 personnes :
- 120 ml + 2 cuillères à soupe de ghee ou d'huile d'olive
- 2 cuillères à soupe de graines de coriandre
- 2 gousses de cardamome verte, ou ½ cuillère à café de cardamome moulue (fraîchement moulue est préférable)
- 1 petit oignon jaune, coupé en dés de 1,25 cm
- 1 cuillère à soupe de gingembre frais haché grossièrement
- 1 gousse d'ail, hachée450 grammes d'épinards frais pour bébé (environ 10 à 12 tasses)
- ½ cuillère à soupe de jus de citron vert frais (environ le quart d'un citron vert), plus si nécessaire
- 1 petit piment vert indien ou piment serrano, haché grossièrement
- 1 cuillère à café de sel casher
- 170 grammes de fromage feta, coupé en cubes de 1,25 cm (un peu plus de ½ tasse)
- 1 cuillère à café de graines de cumin
- ½ cuillère à café d'asafoetida (facultatif, mais vraiment excellent)
- ¼ cuillère à café de piment rouge en poudre
- À servir avec du riz ou du roti
Voici une version familière d'un plat indien à emporter - le saag paneer - mais avec la substitution ingénieuse de gros cubes de feta au paneer.
1. Dans une grande poêle à feu moyen, faites chauffer 60 ml de ghee (ou d'huile). Une fois que le ghee a fondu (ou que l'huile commence à scintiller), ajoutez la coriandre et la cardamome et cuisez, en remuant, pendant environ 2 minutes, jusqu'à ce que les graines commencent à brunir. Ajoutez l'oignon et cuisez jusqu'à ce qu'il soit translucide pendant 5 à 6 minutes. Incorporez le gingembre et l'ail et cuisez encore 1 minute. Ajoutez les épinards et cuisez jusqu'à ce qu'ils soient juste flétris pendant 4 à 5 minutes.
2. Retirez la poêle du feu et ajoutez le jus de citron vert, le piment vert et le sel. Laissez refroidir pendant 5 minutes. Transférez dans un mixeur et mixez jusqu'à obtenir une pâte grossière. Remettez le mélange d'épinards dans la même poêle et placez-la sur feu doux. Incorporez 120 ml d'eau, puis pliez délicatement la feta, en veillant à ne pas casser les cubes. Cuisez encore 5 à 7 minutes pour ramollir légèrement la feta et lui permettre d'absorber un peu de la sauce aux épinards.
3. Pendant que la feta cuit, dans une petite poêle, à feu moyen-élevé, faites chauffer les 2 cuillères à soupe restantes de ghee (ou d'huile) pendant 1 minute. Ajoutez les graines de cumin. Dès que les graines de cumin commencent à crépiter et à brunir (attention, vous ne voulez pas que votre cumin brûle !), environ 1 minute maximum, retirez la poêle du feu. Ajoutez immédiatement l'asafoetida (si vous l'utilisez) et la poudre de piment rouge.
4. Vesez tout le mélange de ghee (ou d'huile) dans les épinards et la feta une fois que la cuisson est terminée.
5. A table !
Pour aller plus loin : La fresque de l’alimentation / Livre de recette - ça chauffe dans nos assiettes, des recettes pour sauver le climat / Livre - Comment l’humanité se viande