Ecologie
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On décrypte le lien étroit entre climat & biodiversité

Publié le
16 juillet 2024
Le lien entre biodiversité et climat - article Regen School
Auteur(s)
Marion Gaulin
Marion Gaulin
Fondatrice du média Nouvelle Empreinte
Le lien entre biodiversité et climat - article Regen School

Quand on aborde le sujet de la transition écologique, on parle souvent du climat que l’on mesure en quantité de gaz à effet de serre. On étudie les évolutions climatiques et les conséquences de son dérèglement afin de trouver des solutions d’atténuation et d’adaptation.

Mais nous avons tendance à oublier une notion indissociable du climat : la biodiversité. 

Dans les médias traditionnels, la part des sujets liés au climat progresse, mais reste minime. Les JT de 20h de TF1 et France 2 consacrent 1% de leurs sujets au climat, selon l’étude de Reporters d’Espoirs. Le mot “biodiversité” quant à lui, est porté disparu.

Bio (= vie) + diversité. 

La biodiversité se réfère à la variété des êtres vivants sur Terre et aux interactions complexes qui existent entre eux et leur environnement. Elle nous montre que toutes les formes de vie (dont la nôtre) sont liées et dépendent du bon fonctionnement des autres. 

Le biologiste Laurent Aillet utilise une métaphore très parlante pour souligner l’importance de la biodiversité sur le vivant. 

« La biodiversité, c’est comme un hamac »

Le réseau maillé du hamac représente la biodiversité. Chaque espèce en déclin coupe un lien du hamac. Au fur et à mesure que l’on coupe des liens de ce hamac combiné à l’impact de notre poids, que se passera-t-il ? Laurent nous fait part du sentiment des biologistes à la fois émerveillés et désespérés de voir à quel point le hamac est résistant. Car tant que le hamac résiste, nous n’agissons pas. 

Laurent Aillet nous raconte la métaphore du hamac avec des exemples concrets et très simplement, dans le passage vidéo ci-dessous.

"TALK" du média LIMIT avec Laurent Aillet “Sommes-nous déjà dans l'effondrement ?!" 


Climat ≠ météo

Avant de rentrer dans le vif du sujet, soyons sûrs que nous parlons le même langage. 

Le climat étudie les conditions météorologiques typiques d'une zone et ses variations sur le long terme. Ces études nous permettent d’évaluer les impacts du changement climatique et donc de prédire les tendances futures du climat.

Quant à elle, la météo correspond aux conditions météorologiques à court terme. On va parler de la température extérieure, de précipitations, de l'ensoleillement, du vent, etc.

@nouvelleempreinte


Douter du réchauffement climatique parce qu’on a froid en hiver n’aurait donc aucun sens !

Pouvons-nous parler du climat sans prendre en compte la biodiversité ?

Les changements climatiques peuvent avoir un impact significatif sur la biodiversité et vice-versa, la biodiversité peut influencer le climat.

Quand les Warming Stripes rencontrent les Biodiversity Stripes. 

Connaissez-vous le concept des Warming Stripes ? En 2018, le climatologue Ed Hawkins imagine un enchaînement de bandes de couleurs sous la forme d’un graphique permettant de visualiser simplement le réchauffement climatique. La lecture est simple : plus la température augmente, plus la bande est rouge.


On y constate en effet une accélération de la hausse des températures sur les 20 dernières années. Sur le même modèle, Miles Richardson crée les “Biodiversity Stripes”, s’étalant du vert au gris afin de démontrer la perte de biodiversité dans le temps à l’aide de la même méthode de visualisation.


Le professeur Richardson a eu l’idée de combiner les “Warming Stripes” avec les “Biodiversity Stripes” afin de donner une vue d'ensemble intitulée « When our world turns hot and grey, so do we » (traduction : « Quand notre monde devient chaud et gris, nous aussi »).


Le climat influence la survie des êtres vivants tandis que la biodiversité affecte la manière dont les écosystèmes régulent le climat. 
Voyons cela en trois exemples concrets. 

Les baleines aident à lutter contre le réchauffement climatique.  

Pendant leur migration de plusieurs milliers de kilomètres, les baleines dispersent du fer et de l’azote à travers leurs excréments. Ces substances participent directement à la croissance du phytoplancton. En gros, les excréments des baleines fertilisent ce plancton microscopique, comme peuvent le faire les vaches et les moutons sur terre.

On dit souvent que l’océan est notre premier puits de carbone, tout comme la forêt Amazonienne : réservoir naturel captant le CO2 par photosynthèse et le stockent dans le bois, les sols, les sédiments. 

Ce rôle de puits de carbone est surtout assuré grâce à ce fameux phytoplancton, qui est à la base de la chaîne alimentaire océanique. Avec la photosynthèse, il capture près de la moitié du CO2 et produit la moitié de l’oxygène terrestre.

@nouvellempreinte


Mais la tâche des baleines est mise à l’épreuve. En cause ? Certaines activités humaines néfastes. 

La pêche industrielle est en première ligne. Premièrement, en perturbant la chaîne alimentaire de ces mammifères, car les techniques de pêche intensive vident les océans. Deuxièmement, les filets géants des chalutiers ne font pas le tri et piègent toutes sortes d’animaux marins sur leur passage, dont des baleines. Par ailleurs, certains pays comme le Japon continuent de pratiquer la pêche à la baleine, bien qu’elle ait été bannie dans le monde en 1986.

Protéger les baleines, c’est aussi lutter contre le réchauffement climatique. 


Les abeilles se donnent la mort lors de chaleurs extrêmes.

Des chercheurs ont observé ce phénomène au Canada. Les chaleurs extrêmes provoquent un réel stress thermique chez les abeilles, elles meurent sous l’effet d’un véritable choc. Leur dernier acte est d’expulser une partie de leur propre abdomen, d’après le Dr Alison McAfee, stagiaire postdoctorale aux laboratoires Michael Smith de l’UBC et experte en santé des abeilles. 

"Nous savons qu’après six heures à 42 degrés, la moitié des abeilles mourront de stress thermique. C’est une température qu’elles ne devraient normalement pas vivre, mais nous voyons des abeilles devenir stressées au point de mourir". - Dr Alison McAfee.


Les populations d’insectes pollinisateurs, tels que les abeilles, déclinent de 1 à 2% par an d’après la revue Proceedings of the National Academy of Sciences. Ce bilan est préoccupant et nous concerne directement. 3/4 des cultures agricoles à travers le monde dépendent du transport naturel de pollen par des insectes pollinisateurs

Le déclin des insectes pollinisateurs met en péril notre système d’alimentation. 

Le réchauffement climatique augmente le risque de zoonoses.

Une zoonose est une maladie qui se transmet des animaux aux humains, comme le COVID. Le réchauffement climatique contribue à la destruction et à la fragmentation des habitats naturels, forçant ainsi les animaux sauvages à se rapprocher des zones humaines, à la recherche de nourriture et d'abri. Les interactions entre la faune sauvage, les animaux domestiques et les humains augmentent et facilitent la transmission de zoonoses, auxquels nos corps ne sont pas habitués.


Ces divers exemples nous montrent bien que la conservation de la biodiversité est un enjeu majeur pour atténuer les impacts négatifs du changement climatique et préserver la stabilité de notre vie sur Terre. 

De nombreuses espèces se retrouvent confrontées à des conditions de survie hostiles et jamais affrontées jusqu'à maintenant. La hausse des températures et le dérèglement du climat fragilisent alors leur capacité à s’adapter. 

Le climat et la biodiversité ne sont d’ailleurs pas les seuls éléments à surveiller. En 2009, une équipe internationale de chercheurs du Stockholm Resilience Centre définit le concept des neuf limites planétaires à ne pas franchir afin de préserver un « espace de développement sûr et juste pour l’humanité ». 

Ces neuf limites se fondent sur l’évolution de neuf phénomènes complexes et interconnectés : 

  1. Le changement climatique
  2. L’érosion de la biodiversité
  3. La perturbation des cycles de l’azote et du phosphore 
  4. Le changement d’usage des sols 
  5. Le cycle de l’eau douce 
  6. L’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère 
  7. L’acidification des océans 
  8. L’appauvrissement de la couche d’ozone 
  9. L’augmentation de la présence d’aérosols dans l’atmosphère 

Six d’entre elles sont déjà dépassées, dont le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, le changement d’usage des sols, le cycle de l’eau douce (eau bleue et eau verte) et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère.


Il faut arrêter de penser que les actions peuvent être déconnectées. Le maintien de la vie sur Terre dépend d’une combinaison d’éléments qui fonctionnent ensemble. Nos solutions d’atténuation et d’adaptation doivent être pensées de manière globale et sur le long terme. 


Sources :